L’Aubrac,
un pays,
un terroir

« L’Aubrac est un pays de tradition d’élevage forte, à l’identité culturelle marquée, à la gastronomie reconnue, aux paysages sauvegardés, aux conditions géo-pédo-climatiques rudes, aux savoir-faire humains affûtés sur une terre âpre mais généreuse. » André Valadier

 

L'Aubrac, un pays

Géographie et climat

Le haut plateau de l’Aubrac se déroule, de forêts en vastes landes s’étendant à perte de vue, à une altitude moyenne  de 1 000 mètres. Le climat y est très rigoureux, froid et neigeux, venteux, quoique le visiteur de l’été ne puisse guère prendre l’entière mesure de ce pays tant les prairies fleuries et le soleil brûlant dessinent simplement un paradis de nature. Ce climat contrasté, balayé par les vents d’ouest et recouvert par les neiges en hiver, subit en effet tour à tour les influences continentales de l’Auvergne et celles du Midi méditerranéen qui apporte chaleur et pluies violentes.

Carte géomorphologique, extrait de la carte réalisée par l’Entente Interdépartementale du Bassin du Lot
Géomorphologie, extr. carte de l'Association Vallée du Lot

L’Aubrac est délimité par la Truyère au nord-ouest, le Lot au sud et la Colagne à l’est. Le plateau plonge vers ces vallées abruptement ou au fil de boraldes, profondes vallées qui descendent du plateau vers le Lot. Sur un socle très ancien (roches métamorphiques et granite), remanié par des plissements et mouvements hercyniens suivis d’une érosion intense, se sont déposés des sédiments au primaire puis au secondaire. Conséquences du plissement alpin, de nombreuses éruptions volcaniques ont ensuite recouvert une partie du plateau, surtout vers 7 millions d’années avant J.-C. L’érosion et une importante calotte glaciaire ont fini de modeler le paysage.

Avant l’arrivée de l’homme sur ces terres, l’Aubrac était couvert de forêts. Le peuplement de la région, qui ne date que de la fin du néolithique (soit environ 3 000 ans avant notre ère), a modifié l’équilibre végétal, aboutissant à la coexistence actuelle de grandes forêts et d’immenses pâturages.

La richesse de la flore

La variété des sous-sols et des altitudes, la situation géographique, le climat montagnard aux influences méditerranéennes et l’activité humaine expliquent la grande richesse de la flore de l’Aubrac : elle comprend aujourd’hui plus de mille espèces dans un espace géographique relativement restreint. Le Jardin botanique de l'Aubrac, implanté depuis une trentaine d’années à 1 300 mètres d’altitude au village d’Aubrac en présente déjà plus de six cents. 

Les prairies naturelles de l’Aubrac se composent, en plus des graminées, d’un grand nombre de plantes dicotylédones diverses. On peut compter dans certaines pelouses de montagne jusqu’à cent espèces différentes, contre dix ou vingt en plaine. Les plantes riches en terpènes : des apiacées (ombellifères) comme la cistre (Meum athamanticum), des géraniacées (Geranium sylvaticum), des composées (Achillea, Centaurea) et des labiées (Prunella grandiflora, Thymus), sont présentes beaucoup plus qu’ailleurs.

Ces plantes font la qualité du fourrage et lui apportent une richesse aromatique exceptionnelle. Elles parfument le foin, mais également le lait et par conséquent le fromage de Laguiole qui en est issu.

La construction du terroir

Le travail au buron
Le travail au buron

Difficile de décrire l’alchimie qui se produit entre un territoire, avec ses spécificités géomorphologiques, climatiques, botaniques, et l’homme qui s’y installe ; cela relève de subtiles interactions qui se développent et s’affinent au cours du temps. L’homme retenant ce qui fonctionne, ce qui est bon pour ce pays, et mettant de côté les pratiques non appropriées. Ainsi se mûrit, au fil des siècles, la relation de l’homme à son territoire.

Lorsque la contrée est rude, l’équilibre est d’autant plus fragile, tant chaque élément est à sa place et ne peut impunément être remplacé, tant la construction à nécessité d’attention, de justesse. La richesse des pâtures a créé les qualités gustatives du fromage de Laguiole, tout comme ses conditions de fabrication en ont forgé les qualités de fromage de garde. La vache de race aubrac est aussi issue de ce territoire, née de sélections successives afin de retenir les aptitudes permettant de vivre et s’adapter aux conditions particulières de la vie sur l’Aubrac.

C’est bien là, dans cette recherche, cette adaptation incessante, que réside la construction du terroir, une approche cousue main prenant en compte l’intimité nécessaire entre l’homme, le complexe espace-sol-climat et les outils de valorisation des ressources et de production de richesses que représentent la biodiversité domestique et naturelle à partir du socle minéral qui génère la spécificité et la typicité végétale et animale.

Un terroir n'est pas immuable

Vaches simmental
Vaches simmental

Ainsi l’homme sur l’Aubrac a créé son terroir, qui a évolué et perdure avec des éléments phares tels que le fromage de Laguiole, l’aligot et la viande bovine (Fleur d’Aubrac, bœuf gras de Pâques, bœuf fermier). S’il a évolué c’est que le terroir, un mot qui dans l’imaginaire de tout un chacun évoque la tradition, n’est pas pour autant pas le maintien à l’identique sans variation aucune de ce qui a été établi par les ancêtres. Tout au contraire, un terroir qui n’est pas capable d’évoluer est tout simplement en train de mourir. Faire vivre le terroir ne consiste donc pas à maintenir des pratiques séculaires mais bien plutôt à adapter sans cesse l’action que mène l’homme.  

« Comme la tradition, le terroir qui vit et qui ne veut pas basculer dans le vide et dans l’oubli, avance et évolue à la manière de son époque » Jean Cocteau