Les vaches de l’Aubrac

La vache est le maillon entre le territoire et le produit, sans elle rien n’est possible. Elle participe à valoriser le territoire par sa production de lait qui sera transformé en produit fini (la tome fraîche, le Laguiole voire l’aligot). Elle participe à valoriser le produit en fournissant du lait de qualité, grâce entre autres aux atouts du territoire.

 

La race aubrac

L'aubrac, aujourd'hui surtout race à viande
L'aubrac, aujourd'hui surtout race à viande

Sa biographie

La race aubrac est née de la sélection par les moines des bovins de l’Aubrac et de ses alentours — contreforts (Bonnefon, Aulos), vallée du Lot, causse Comtal et vallée de l’Aveyron (Les Bourines), canton de Chaudes-Aigues (Maurines, Morsanges, Montclergue), Carladez (commanderie de Cassanodis d’Aubrac à Taussac).

Race rustique, elle avait, à ce titre, de nombreuses qualités, étant reconnue aussi bien pour la qualité de sa viande et de son lait que pour son travail.

La race aubrac n’a cependant été caractérisée qu’au milieu du XIXe siècle et décrite par le herd-book (registre généalogique) en 1893.

Les conditions climatiques et géographiques du pays ainsi que les méthodes d’élevage ont façonné la race. Lui donnant une structure génétique particulière qui lui permet de vivre la transhumance et ses mois en pâture tout comme les longs mois d’hiver passés dans les étables. Robustesse et flexibilité sont donc les qualités nées de ces conditions.

Cette race qui a grandement contribué à la vie du territoire jusqu’au milieu du XXe siècle fait donc partie de son identité.

Dans les années 1950, la race est menacée du fait d’un nombre restreint de reproducteurs purs et d’une importante consanguinité. La modernisation de l’élevage ajoutée au déclin des burons participe à l’effondrement des effectifs. La production de lait d’une aubrac était de 1 500 à 2 000 kg par vache et par an, autant dire que l’on était loin des quelque 10 000 litres de la « VHP » (vache à haut potentiel). 

Les qualités laitières furent donc mises de côté, mais l’aubrac et son pays avaient les atouts (très bonne vache allaitante et pâturages de qualité) pour la production de viande, qui fut développée avec succès (couronnée aujourd’hui par les appellations Fleur d’Aubrac et bœuf fermier de l'Aubrac).



Sa réintroduction

Portrait vache aubrac
Portrait vache aubrac

Cette orientation contribua toutefois, par les sélections menées en vue de faire de l’aubrac une vache à viande, à faire perdre à l’aubrac ses qualités de laitière. En effet, la traite n’étant plus pratiquée, la sélection sur les aptitudes laitières était également mise de côté, or un caractère génétique non sélectionné régresse.

Depuis 1991 est mené un programme de réintroduction de la race aubrac laitière, afin de renforcer les liens entre le fromage et ses origines.

C’est un travail où il est question de génétique : retrouver les souches intéressantes sur les plus vieilles vaches aubrac en vie aujourd’hui et sur les taureaux d’ascendance laitière ;  implanter des embryons sur des mères porteuses simmental.

C’est aussi affaire d’éducation : les vaches ainsi nées sont sevrées dans les même conditions que les génisses simmental, séparées de leur mère à la naissance afin de permettre la traite (on éduque la vache à donner son lait, à ne pas le garder pour le veau).

Une trentaine de génisses ont été réparties chaque année dans des troupeaux laitiers adhérents à la coopérative Jeune Montagne pour être évaluées sur leurs capacités laitières et leur comportement.

L’objectif est de parvenir à 10% d’aubrac dans les troupeaux en 2013.

La race simmental française

La race simmental française
La race simmental française

Sa biographie en Aubrac

Comment une vache originaire de la vallée de la Simme, en Suisse, se trouve être aujourd’hui majoritaire dans les troupeaux laitiers qui sillonnent l’Aubrac ?

Le déclin de la race aubrac était avéré. Les producteurs de lait de l'Aubrac se sont, dans les années 1960, laissés prendre au jeu de la nouvelle agriculture qui proposait des modèles dominants, entre autres la généralisation de la vache à haut potentiel (VHP), capable de produire 10 000 litres de lait par an.
Cependant, assez vite deux éléments, en lien l'un à l'autre, ont donné l'alarme : les performances des vaches et la qualité des fromages.
Une vache de plaine en montagne ne donne rien de bon, et une vache qui n'exprime pas son plein potentiel car ses conditions de vie ne le lui permettent pas ne donne pas non plus un bon lait, la qualité du fromage de Laguiole s'en ressentant.

L'enjeu devint alors de trouver une vache capable de vivre en Aubrac et de produire un lait aux qualités les plus proche de celui d'antan. Pour cela, l'étude RCP Aubrac du début des années 1960 fut précieuse car elle fournissait toutes les précisions sur les qualités du lait de l'aubrac laitière.
L'enquête fut donc menée en Suisse, en Autriche, en Allemagne, afin de découvrir la vache dont le lait s'approchait le plus de celui de la vache aubrac quelque 20 ou 30 ans plus tôt, et qui soit en mesure de s'adapter au contexte de montagne.

Ainsi la simmental investi le haut plateau et compose aujourd'hui la plus grande part des troupeaux, et son lait a permis de retrouver les qualités gustatives du fromage originel. Retrouver une vache adaptée au territoire était une action initiée pour le fromage, mais qui a profité au territoire tout entier. Restauration et protection du territoire sont ainsi comprises comme une rétroaction positive.

La RCP Aubrac

Paysage d'Aubrac
Paysage d'Aubrac

Au début des années 1960, une étude est menée par une quarantaine de chercheurs du CNRS, de toutes disciplines, sur un établissement humain spécifique, celui de l’Aubrac, l’un des derniers en France à n’être pas touché par la modernisation des moyens de production. C’est la Recherche coopérative sur programme (RCP), une étude ethnologique, linguistique, agronomique et économique, qui observe le milieu, les conditions socio-économiques, l’agriculture et l’élevage, bref qui décortique le fonctionnement de ce pays. Le travail fait été gigantesque, tout est observé, quantifié, analysé, et recensé en une somme de plusieurs volumes.

C’est à cette étude que le syndicat et la coopérative fromagère vont se référer face au constat de l’inadaptation de la vache à haut potentiel. En effet, ils trouvent là les renseignements les plus précis possible sur la qualité du lait qui faisait le fromage de Laguiole encore quelques années plus tôt. Précieuses données qui leur permettent de rechercher activement la vache idéale pour leur terroir.